DEPRETTO Catherine, PIER John, ROUSSIN Philippe (dir.), Le formalisme russe cent ans après , Communications, n° 103, 2018, 292 p., Paris, Seuil, ISBN : 9782021406467.
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Proches des avant-gardes artistiques à leurs débuts, les formalistes russes ont révolutionné l’étude de la littérature, entre 1915 et 1930. Ils ont également joué un rôle essentiel et pionnier dans le développement des études de folklore, de la théorie du cinéma et de l’anthropologie structurale. Réduit au silence par le pouvoir, en URSS, à la fin des années 1920, le mouvement a ensuite en partie poursuivi et déplacé ses activités à Prague, entre 1929 et 1939.
C’est seulement à partir du milieu des années 1960, dans le contexte du « dégel », que les recherches des formalistes ont été progressivement redécouvertes et reconnues à l’Est comme à l’Ouest et que s’est opéré le grand tournant de la prise de conscience de leur importance. Les découvertes du mouvement comptent aujourd’hui au nombre des acquis fondamentaux des sciences humaines du siècle passé. Cent ans après l’éclosion du formalisme, cinquante ans après son premier moment de diffusion en Occident, trente ans après l’ouverture relative des archives en Russie, le temps était venu d’évaluer son héritage et de réexaminer le contexte historique et culturel de ses travaux.
FARINA Margherita (ed.) Les auteurs syriaques et leur langue. Paris : Geuthner, 2018. Etudes syriaques, 15.
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La langue et l’écriture syriaques constituent les marques identitaires les plus fortes, par lesquelles ces diverses communautés se définissent et autour desquelles elles se rassemblent. En même temps, la façon dont la langue syriaque est perçue et traitée au fil du temps et chez les différents auteurs est complexe et variable et nécessite une réflexion. Si certains la décrivent comme « la langue du Paradis », en l’identifiant avec la langue du premier homme, d’autres en soulignent le lien avec le grec, qui était dans l’Antiquité classique et tardive la langue de la culture et du savoir scientifique. C’est sur le modèle de la grammaire, de la rhétorique et de la logique grecques que se fondent les premières œuvres linguistiques syriaques, entre VIe et VIIIe siècle, et l’influence de ce premier modèle perdura jusqu’au XIIIesiècle.
De fait, l’influence grecque en syriaque dépasse les limites de l’imitation littéraire et concerne à la fois l’orthographe et la structure du lexique et de la syntaxe. Elle se révèle même dans la perception que certains auteurs syriaques avaient de leur langue. Nous avons là un domaine de recherche relativement récent, où l’épigraphie et les études sur le contact linguistique nous offrent des perspectives tout à fait stimulantes.
Avec la conquête islamique, les populations de langue syriaque sont confrontées aussi à la diffusion officielle de la langue arabe. Cette rencontre influe aussi sur la conception par les auteurs syriaques de la grammaire et, à partir du XIe siècle, plusieurs d’entre eux s’inspirent de la théorie linguistique arabe pour structurer leurs traités, tandis que d’autres organisent la résistance. Si, dans le domaine de la syntaxe, l’arabe propose une approche et des catégories qui ont finalement été, au moins partiellement, assimilées par le syriaque, sur d’autres questions fondamentales le syriaque garda plus solidement son identité. Il suffit de rappeler qu’aucun des plus grands grammairiens syriaques du Moyen Âge n’utilise la notion de la racine trilitère dans la description de la conjugaison verbale, ni celle de la dérivation nominale ou verbale.
En dépit de l’importance du sujet pour l’appréhension de la culture syriaque, les études consacrées à l’histoire des sciences du langage sont relativement peu nombreuses. Ce volume se présente comme une première invitation à une approche interdisciplinaire de ce thème majeur, rassemblant les contributions de spécialistes de théorie grammaticale, de rhétorique, de logique, mais aussi de littérature, de linguistique comparée etc.
Table des matières
- Introduction par Margherita Farina, p. 1
- Françoise Briquel Chatonnet – La langue du Paradis, la langue comme patrie p. 9
- Sara Eco Conti – Les sources grecques des textes grammaticaux syriaques, p. 27
- Henri Hugonnard-Roche – La tradition du Peri hermeneias d’Aristote en syriaque, entre logique et grammaire, p. 55
- John W. Watt – Rhetorical Education and Florilegia in Syriac, p. 95
- Paolo Bettiolo – Écriture et « nature » dans les écoles syro-orientales, p. 111
- Aaron Michael Butts – The Greco-Roman Context of the Syriac Language, p. 137
- Margherita Farina – La linguistique syriaque selon Jacques d’Édesse, p. 167
- Georges Bohas – La morphophonologie dans la Grande grammaire de Barhebraeus, à travers l’étude des verbes défectueux, p. 189
- Robert J. Wilkinson – Working towards a Definition of Syriac in the Sixteenth and Seventeenth Centuries, p. 207
- Riccardo Contini – Remarques conclusives, p. 237
Appendix – Margherita Farina, Manuscrits de grammaires et lexiques syriaques, p. 243
GREUB Yan, BAKER Craig, BARBATO Marcello, CAVAGNA Mattia (éd.), L’Ombre de Joseph Bédier. Théorie et pratique éditoriales au XXe siècle, Paris : Éditions de linguistique et de philologie, 2018 (Études et textes romans du Moyen Âge, 3). V + 380 pages, 45 €, ISBN 978-2-37276-022-5.
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Le spectre de Joseph Bédier hante l’Europe des philologues. Quelle est l’édition conservatrice qui n’a pas été taxée de bédiérisme ? À son tour, quel est l’éditeur conservateur qui n’a pas accusé autrui d’être plus bédiériste que lui, ou, à l’inverse, utilisé contre l’interventionnisme des arguments qu’il attribuait à Bédier ?
De toute évidence, le bédiérisme continue à être reconnu, encore aujourd’hui, comme une puissance agissante, ou au moins comme une position par rapport à laquelle se situer lorsqu’on édite un texte médiéval ou discute son édition. Le présent ouvrage tente de mieux cerner ce qu’a été la révolution bédiériste et en quoi consistent les courants ou les attitudes qui ont pu être (ou sont encore) nommés ‘bédiéristes’. Au passage, il cherche à éliminer certaines fausses questions. Son dessein n’est pas de discuter de la meilleure méthode d’édition, mais de chercher derrière la légende du bédiérisme la réalité de la pratique de Bédier, de sa théorie, de la théorie qu’il a combattue et des pratiques qui se sont développées dans son sillage.
Avec des contributions de : R. Antonelli, Cr. Baker, M. Barbato, A. Corbellari, Fr. Duval, G. Fiesoli, Y. Greub, Fr. Lebsanft, L. Leonardi, Ph. Ménard, G. Palumbo, G. Roques, P. Sánchez-Prieto Borja, M. Tyssens, † A. Varvaro et F. Zinelli.
RASTIER François, Faire sens. De la cognition à la culture, Paris : Classiques Garnier, 2018, 261 p. ISBN : 978-2-406-07413-7
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AVANT-PROPOS
Si cet ouvrage fait recours à l’histoire des idées et à l’épistémologie, il ne relève pas pleinement de ces disciplines réputées arides mais passionnantes ; sa seule ambition reste d’illustrer la dimension critique des sciences de la culture pour esquisser des directions de recherche et concrétiser des propositions formulées dans des ouvrages précédents, notamment Sémantique et recherches cognitives (1991), Arts et sciences du texte (2001), Saussure au futur (2015). Il s’appuie à l’occasion sur des études antérieures, notamment « La sémantique cognitive – Éléments d’histoire et d’épistémologie », in Brigitte Nehrlich, dir., Histoire, Épistémologie, Langage, XV, 1, 1993, p. 153-187, « Problématiques du signe et du texte », Intellectica, 23, 1996, p. 11-53 et « Dualité sémiotique et dualisme cognitif », Intellectica, 56, 2011, p. 29-79.
La notion de signe a toujours été divisée entre une définition matérielle (un son, la phonê chez Aristote, la vox des scolastique) et une définition conceptuelle (le conceptus chez Boèce, le thought de Ogden et Richards). Comment mettre fin à cette division, pour tenir compte de la diversité des langues et des cultures ?
Les modèles du signe de la tradition philosophique occidentale ont été élaborés au sein de problématiques disparues dont on a oublié les conditions : la logique des classes, liée à l’ontologie aristotélicienne ; la rhétorique, d’abord judiciaire et indiciaire, relue plus tard à la lumière de la théorie des sacrements, dont la théorie austinienne des performatifs n’est qu’un écho tardif.
De manière non critique, la philosophie du langage contemporaine a conservé un compendium de définitions du signe et de la signification ; si bien que sur le mode de l’évidence, Ogden et Richards ont reformulé benoîtement la tradition scolastique.
La formation à la fin du XVIIIe siècle d’un nouveau continent scientifique, celui des sciences historiques (devenues sciences sociales ou sciences de la culture) a affaibli le paradigme ontologique et a contextualisé toutes les propositions universelles sur le signe, la signification, l’esprit humain, etc. La linguistique a joué un rôle éminent pour redéfinir la notion même de signe, voire en relativiser l’importance.
C’est pourquoi elle a été oblitérée par les dogmatismes néo-positivistes et cognitifs, qui ne reconnaissent aucune pertinence de principe à la diversité des langues et des cultures, et ignorent non seulement le temps historique mais encore celui de la tradition.
Aussi, cet ouvrage vise-t-il à émanciper la sémiotique de la philosophie du langage et à l’ancrer dans la linguistique contemporaine – redéfinie comme sémiotique des langues. Sans préjuger de l’avenir, il faudra tout à la fois prendre la mesure des obstacles épistémologiques majeurs que dressent les philosophies traditionnelles du signe et de la signification, pour en discerner les fondements « archéologiques » et explorer les voies d’une alternative. Elle s’émancipera des a priori sur l’Être et sur les unités empiriques, sur la connaissance comme désignation, classement et hiérarchisation. Elle s’appuiera sur une praxéologie historique et comparative des pratiques sémiotiques effectives, récusera le fixisme et le statisme des unités et des règles, pour décrire enfin l’élaboration du sens par des chaînes de transformations au sein des textes et des autres performances sémiotiques.
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